Galeries et monde de l’art

Spiegler, Marc (ART BASEL director), Ten questions all gallerists should be asking themselves now, « Is gallery space still worth paying rent for or will Instagram replace it all? », 29 Janvier 2016, published on The Art Newspaper.

« Réfléchir à propos des galeries – en tant qu’entités individuelles ainsi que dans le domaine de l’art- est une constante chez Art Basel. L’organisation a été fondée par une poignée de marchands d’art à Bâle, et reste en grande partie dirigée par des galeristes. Ceux qui siègent à nos comités de sélection jouent un rôle crucial dans les foires d’art. Nous nous efforçons également de rester en contact avec les 500 galeries en plus dans le monde, qui font parties intégrantes de nos événements, en espérant les servir au mieux, prenant en compte les challenges du présent et travaillant pour leur devenir.

J’ai parlé à la Talking Galerries Conference à Barcelone à la fin de l’année dernière, à un moment de transition intense dans le monde de l’art, et j’ai posé les dix questions que chaque galeries devraient prendre sérieusement en considération, car les réponses apportées dessinent les contours de leur existence future.

(1. Qui sont les collectionneurs d’art aujourd’hui?)

Les galeristes se plaignent régulièrement du fait que les gens visitant leur stands ou leurs galeries s’y connaissent moins en art qu’auparavant. Qu’est ce qui en train de se passer ? D’une part, il s’agit simplement du symptôme d’un monde a grandi rapidement, engendrant l’arrivée de nouveaux collectionneurs. Nombreux acheteurs ne sont pas issus d’une famille collectionneuse à la base. Soulignons que, même le plus expérimenté et engagé des collectionneur aujourd’hui, tend à avoir beaucoup moins de temps pour l’Art que ses prédécesseurs (….).

La « super richesse » ne représente plus la classe oisive, du moins pas comme l’économiste américain et sociologue Thorstein Veblen la définie. Les nouveaux acheteurs dans nos foires ont souvent des fonds ou des start-ups. Non seulement ils sont ultra-riches, mais ils sont aussi ultra-occupés. Quoiqu’ils fussent intéressés par l’art, ils sont rarement aptes à consacrer leurs samedis à visiter des galeries. De fait, beaucoup engagent des intermédiaires afin de faire leurs recherches : c’est pourquoi le nombre de conseillers en art augmente si vite. Beaucoup d’entre eux achètent aux enchères, c’est un processus plus rapide et cela leur semble plus évident, malgré le fait que les initiés s’y connaissent davantage. Ce profond changement démographique des richesses explique également pourquoi les foires d’art ont pris tant d’ampleur : car elles offrent au collectionneur un aperçu d’un marché plus global, en un temps réduit.

Cela veut dire que les galeristes doivent repenser ce qu’il pourrait se passer lorsqu’un potentiel collectionneur pénètre dans une galerie. Pour être une bonne galerie dans les 20 prochaines années, vous devez oublier le fait de jouer sur les hiérarchies sociales. Mettre des personnes non souriantes à l’accueil ne fonctionnera pas, dire aux gens que leur collection n’est pas assez bien pour vos artistes non plus. Ils trouveront un autre moyen de parvenir à leur but : et vos artistes en pâtiront.

2. Combien de foires d’art devrai-je faire ?

Un des moments que je préfère dans mon travail, est d’aller dans une petite galerie, une qui n’a jamais été dans nos foires (ou qui est même effrayé à l’idée de candidater), lui dire qu’elle est prête et la voir s’y rendre. Travailler dans la bonne voie avec ces jeunes galeries est important car elles sont toujours sur le fil du rasoir. Le dilemme le plus délicat concerne leur stratégie globale, dès qu’elles commencent à avoir bonne réputation. Les directeurs de foires commencent par les recruter, ce qui est difficile à assumer, en ce que cela implique des dépenses de temps et d’argent à travers leurs programmes. »

Et les questions, nombreuses, se succèdent. L’article donne le ton : les galeries sont au cœur d’un bouleversement intense. Les nouveaux acheteurs imposent de nouveaux codes, tandis que les galeries se doivent d’être plus prudentes pour ne pas « perdre » leurs artistes (qui doivent également s’assurer d’être exposé au « meilleur endroit ») subissant la pression des foires d’art mais également des grandes ventes aux enchères, notamment en Chine et aux Etats-Unis. A un autre niveau, l’avantage des grosses galeries sur les petites se fait également sentir.

Spéculation, concurrence : l’auteur aborde les questions brûlantes et largement débattues dans le monde de l’art aujourd’hui. Comment être un bon collectionneur ? Comment être une bonne galerie ? Parmi les conseils donnés par l’auteur : assumer le choix des artistes, les payer, manager leurs carrières, construire son identité non sur une génération d’artistes, mais sur des idées particulières, c’est à dire : se diversifier, réorganiser l’espace ou en changer, pour assurer une dynamique en terme de créativité.

Instagram? Une nouvelle foire d’art contemporain en ligne, capable d’effacer le rôle du galeriste? Pour l’auteur il n’en est rien, bien que ce réseau puisse être un fabuleux outil de promotion. Rien ne vaut le rapport humain, frontal entre le galeriste et le collectionneur. Le monde de l’art ne doit pas en oublier sa nature, c’est à dire créer du lien, du dialogue, un dialogue intelligent et constructif. Le galeriste doit réapprendre à ses collectionneurs à acheter avec leurs « yeux » et non avec leurs « oreilles », en étant conscient qu’acquérir une œuvre est un acte qui s’inscrit dans un débat esthétique plus large, par la légitimation d’une pensée particulière. En bref… Acheter oui, mais avec une sensibilité plutôt qu’avec un porte monnaie.

Pour lire un article sur la naissance des foires d’art contemporain, de Bâle à Singapour, de Londres à New York, de Paris à Miami : cliquez ici 

Crédits photo : Oliver Lang

 

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