Sade, attaquer le soleil

Sade, entre brutalité et sensualité

« La férocité n’est, comme la douleur, qu’un mode d’âme absolument indépendant de nous et nous ne pouvons ni plus rougir, ni plus nous glorifier de l’un que de l’autre » La Nouvelle Justine, 1797.

Murmures. Cris. Soupirs. Lorsqu’on pénètre dans la première salle sombre et d’un bleu feutré consacrée à l’exposition « Sade, Attaquer le soleil », ce sont d’abord des bribes de films, et les visions fugitives de scènes érotiques, qui nous parviennent d’écrans suspendus au plafond.

Extraits du Journal d’une femme de chambre, ou de L’âge d’or de Buñuel, une scène terrible d’un film de Georges Franju –Les yeux sans visage-, l’atmosphère étrange des 120 journées de Sodome, film issu de la collaboration entre Buñuel et Dali…  L’entrée dans l’exposition donne le ton. Le Marquis de Sade, connu pour ses écrits polémiques, représente le point de départ d’une réflexion sur le corps, sur la relation entre brutalité et sensualité à travers les oeuvres de grands maîtres.

Organisée en salles dédiés à des thèmes spécifiques, l’exposition propose un véritable parcours articulant Arts, Littérature et Philosophie avec harmonie et équilibre, en explorant les moyens de mise en scène des corps : de la distorsion, en passant par l’enchevêtrement, la deconstruction, jusqu’à la liquéfaction.

Les oeuvres surprennent, font rire, rendent pensif. Bacon pousse le vice à l’extrême avec une oeuvre dans laquelle le corps n’est plus qu’un monstre de chair. La salle « Humain, trop humain » laisse place à des artistes tels que Johann Heinrich Füssli ou Valentin de Boulogne, qui dramatisent leurs oeuvres à l’aide de clairs obscurs violents.

Picasso
Picasso

Dans la troisième salle consacrée à « l’inscription du désir », des citations de « Mon Corps mis à nu », Journal Intime de Baudelaire côtoient des tableaux d’André Masson, et des sculptures de Rodin. Au delà de la peinture, l’inscription des tableaux et dessins dans une trame écrite nous permet d’en saisir toute la substance, toute la complexité. A mesure de notre « traversée », les oeuvres se font de plus en plus crues, sexuelles, dérangeantes. Hans Bellmer, une des figures majeures du mouvement Surréaliste, est sûrement un des artistes les plus marquants de l’exposition. Ses dessins, distordus et pulsionnels, nous guident dans le royaume des sens.

Sans titre, 1971
Hans Bellmer, Sans titre, 1971

« Le désir comme principe d’excès », titre donné à la dernière salle de l’exposition, laisse à notre imagination le loisir de s’évader. Métaphore du désir, L’araignée d’amour d’Henri Cartier Bresson, La grande mélée de Molinier font apparaitre l’enchevêtrement des corps, à la limite de l’informe, de l’incompréhensible. Ut imago est animi voltus sic indices oculi, écrivait Cicéron dans son Orator. « Si le visage est le miroir de l’âme, les yeux en sont les interprètes. »

L’exposition nous montre que les yeux n’en sont pas les seuls… Le corps aussi. Tous ces corps dessinés, peints, sont peut-être le miroir des âmes de ceux qui les ont fait exister. La visite se termine donc toute en beauté… Ou en cruauté.

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